La loma ou le potager dominicain

Publié le 6 Mai 2014

Après plusieurs jours passés el paraiso, je pense que j'ai fini par être repéré comme l'étranger de passage. Mes allées et venues répétées dans les quelques rues du village ont fait germer les interrogations et la curiosité à mon sujet. Les gens s'adressent à moi de plus en plus amicalement sur comment s'est passé ma journée et ce que je vais faire ensuite. Ils me présentent à leur amis, leur famille...

C'est ainsi que j'ai rencontré la famille de yeralda par la biais de son oncle.

Dans la conversation il mentionne qu'il prévoit d'aller entretenir la loma dans quelques jours. La plupart des dominicains qui vivent à la campagne ont une loma. Il s'agit d'une parcelle de terre dans la montagne cultivée pour améliorer le quotidien. Il y a généralement une petite cabane pour y rester quelques jours, dans des conditions plutôt rustiques.

Après cette description, je ressors fortement intéressé de me joindre à l'expédition. J'en parle discrètement à yeralda qui me promet de voir si c'est faisable.

La loma ou le potager dominicain

Nous partons donc le surlendemain pour la loma. Il y a une petite marche en montagne de 3h et je me prépare donc en conséquence. Tôt le matin, nous partons yeralda, son fils et moi accompagnés de negrita la chienne de la famille.

La loma ou le potager dominicain

Son fils nous laissera vite, préférant monter sur la moto de son oncle qui nous a rattrapé. Les 3h de marche se raccourciront pour nous aussi, grâce à un pickup chargé de sac de haricots. Et Negrita abandonnera la course face au pickup rentrant seule au village sans inquiétude de sa maîtresse.

La loma ou le potager dominicain

Ce trajet me permettra de découvrir une réalité de la république dominicaine, l'immigration clandestine. Dans la montagne se cachent les haïtiens ayant traversés illégalement la frontière, dans la quête illusoire d'une vie meilleure. Une partie reste cachée dans la montagne, s'étant construit une hutte plus que rudimentaire, peut être une meilleure solution que la mendicité dans la ville, surtout qu'ils sont très mal acceptés de tous. Certains ont même du naître ici sans n'avoir jamais eu aucun contact avec la civilisation de la plaine. La plupart, enfants et adultes, travaillent dans ces lomas pour des dominicains payés un salaire de misère.

Arrivé à la loma,une petite visite s impose. La cabane, faite de planche, me semble plutôt bien bâtie et en meilleur état que certaines maisons du village. J'apprendrai ensuite que l'oncle est menuisier et a fait les planches lui même sur place. Il y a 3 pièces, dont une inutilisable car le toit est à refaire. Il y a juste des lits, le reste se fait à l'extérieur. Un foyer abrité pour la cuisine et l'espace de la nature pour le reste. Il y a néanmoins une bassine, très utile, pour les besoins nocturnes.

La loma ou le potager dominicain
La loma ou le potager dominicainLa loma ou le potager dominicain

La cuisine est un vrai calvaire. La fumée du foyer rempli vite l'espace le rendant particulièrement agressif pour les yeux. Il n'y a aucune évacuation des fumées par le toit. Malgré cela, yeralda concoctera un poulet plus que délicieux

La loma ou le potager dominicainLa loma ou le potager dominicain

Je m'attendais à une agriculture plutôt organisée, avec des champs et des parcelles. c'est l'inverse. Tout pousse librement et je découvre la variété des cultures à chacun de mes pas. Banane, papaye, café, canne à sucre, orange, citron, cacao, manioc et d'autres dont j'ai oublié le nom. Je passerai mon après midi à déguster les produits de ce terroir.

Pendant ce festin, un homme fait son apparition. Le premier mot qui me vint a l'esprit, il est dur et je m'excuse de mon honnêteté, un sauvage. Un haïtien, plutôt grand et maigre, en guenilles, des pieds et des mains forgés par le travail qui ressemblent désormais plus à des outils qu'à des membres conventionnels. Un de ces habitants des montagnes sans identité. L'homme est arrivé sans bruit et mon instinct naturel de défense face à cet ennemi s'est réveillé attendant la réaction de yeralda avant d'agir.

Il tient dans ses mains des bananes qu'il nous offre. Il parle peu et je doute qu'il connaisse beaucoup de mots. Anecdote qui souligne le dénuement de ces peuples des montagnes, l'homme demanda avec timidité la permission de prendre le sac en plastique que nous commencions à utiliser comme poubelle.

Nous nous coucherons à l'heure des poules avec un sommeil bien présent, le rythme de la nature. Une nuit théoriquement pas franchement bonne dans ce lit un peu étroit que nous partagions à 3, mais niché dans l'ambiance, les odeurs et les sons de cette forêt humide d'altitude.

Ultime délice du matin, le café frais de la loma et son certificat bio "de hecho". Puis le moment du retour, pourvus de canne à sucre en guise de réserve d énergie. Cette fois ci le retour se fera intégralement, accompagnés de la pluie nécessaire à l'arrosage quotidien de ce jardin naturel, puis séchés efficacement par le soleil des caraïbes.

La loma ou le potager dominicain

Rédigé par Paul

Publié dans #republique dominicaine, #jungle, #rencontre

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